Pilu des bois,
Mai K. Nguyen,
éd. Kinayé, dès 10 ans.
Willow est une petite fille qui a vécu un drame et est rongée par la culpabilité. Pour ne pas être submergée, pour ne pas s'écrouler, elle a enfoui ces émotions qui la désemparent tout au fond d'elle-même. Mais ces "petits monstres" non reconnus grandissent et parfois, tel un raz de marée, débordent et ravagent tout sur leur passage. Cette fois-ci , Willow a hurlé des horreurs à sa grande sœur Linnea et s'est enfuie dans la forêt voisine avec sa chienne Chicorée.
La forêt, Willow la connaît bien, son papa la lui a expliquée, sa maman la lui a racontée. La forêt, c'est son refuge, son exutoire, sa matrice, elle est calme, apaisante, elle répond à sa solitude et elle chuchote des souvenirs précieux qui néanmoins la tourmentent.
Ce jour-là, Willow découvre Pilu, une petite sylvide en pleurs qui s'est égarée. Elle aussi s'est enfuie, elle aussi a des émotions lourdes à porter.
Willow connaît "l'arbre-mère" de la petite Pilu, c'est le fameux magnolia si cher à sa maman. Et si ramener Pilu auprès des siens était un moyen de réparer ses propres erreurs?
Le chemin est long et une amitié fleurit entre les deux petites filles. Les timides partages à demi-mots se font confessions et, alors que la tempête se lève, il est temps pour Willow de libérer ses sentiments tumultueux, de se confronter à son chagrin et de se pardonner enfin.
Un grand coup de cœur pour ce roman graphique sensible et réconfortant qui fait de la Nature un personnage à part entière. L'autrice nous la fait ressentir physiquement et guide notre regard pour nous immerger dans la beauté de la forêt: la rosée sur un champignon, l'écureuil sur une branche poussant son cri d'alerte, les fleurs sous les pieds nus de Pilu, la boue sous les bottes jaunes de Willow, la musique de la rivière, le son du vent dans les feuilles, le grondement de l'orage, le chant de l'oiseau.
Le dessin de l'autrice est marqué par une ligne claire épaisse qui fait penser à de la linogravure et une grande expressivité. J'aime sa façon de mêler le présent et les souvenirs, de personnifier les émotions, ces petits monstres gris enfermés dans des bocaux en verre. J'adore les bouilles irrésistiblement craquantes de ses personnages, j'adore les oreilles pointues et les dents du bonheur de Pilu, les lunettes de Willow et les piercing d'oreille de Linnea. J'adore enfin les expressions si bien rendues qui nous donnent juste envie de prendre ces deux petits êtres blessés dans nos bras.
Le petit plus: à la fin de l'album se trouve un journal de bord Nature comme celui de Willow que le lecteur peut remplir, avec des questions pour le guider et des places pour dessiner.
Pilu des bois est le premier roman graphique de Mai K. Nguyen