Seizième printemps,
Yunbo, éd. Delcourt, dès 10 ans.
Le jour de ses cinq ans, Yeowoo, une petite renarde joyeuse et vive, voit ses parents se séparer. De sa mère qui abandonne le foyer, elle n'aura plus jamais de nouvelles. Quant à son père, froidement et sans explications, il la dépose, comme un paquet encombrant chez le grand-père et la tante de l'enfant.
Ceux-ci habitent dans le petit village des Renards, à la campagne. La vie de Yeowoo bascule: choc et incompréhension d'abord quand elle réalise ce qui ce passe puis, le désarroi, la tristesse et cet immense sentiment d'abandon qui la consume toute entière. Son grand-père est un vieux renard fatigué et sa tante, une vieille fille bien en chair et bigleuse qui joue encore à la poupée malgré son âge. Ils ont leurs petites habitudes et ne sont ni enthousiastes ni armés pour accueillir une enfant en détresse.
La petite renarde attend que son père vienne la rechercher mais en vain. Celui-ci a visiblement "trop de travail" et est bien trop occupé à refaire sa vie pour se souvenir qu'il a une fille. La situation qui devait être temporaire s'éternise et Yeowoo s'enferme au fil des années dans la colère, la rébellion et l'arrogance. Dans une grande solitude surtout, une solitude teintée de culpabilité qui l'isole aussi bien à l'école que dans ce foyer qu'elle n'arrive pas à faire sien.
Mais un personnage insolite va changer la trajectoire de vie de la petite renarde et c'est une poule. Oui, une poule au village des Renards! Paulette est une poule passionnée d'horticulture, sans doute pour compenser le fait qu'elle ne puisse pas pondre d'œufs. Rejetée par les siens pour cette raison, elle a pris son envol et est venue s'installer à la campagne.
De la rencontre de ces deux solitudes, de ces deux êtres malmenés par les autres, va naître un lien miraculeux, précieux et salvateur.
Sans rien forcer, Paulette va juste écouter, ouvrir sa porte, ses ailes et son cœur, prendre le temps, offrir chaleur et douceur. Comme un baume cicatrisant et grâce à sa bienveillance son amour et sa générosité, elle va permettre d'apaiser la rage, de renouer des liens familiaux et à la petite graine enfouie tout au fond de Yeowoo de grandir et s'épanouir.
Ce roman graphique est une pépite! L'illustration à l'aquarelle est d'une beauté extraordinaire, colorée, détaillée sans être surchargée, pleine de douceur et de poésie. Le découpage est original et varié, les personnages sont extrêmement attachants (ou détestables) et la jeune autrice parvient admirablement par les expressions et la gestuelle des personnages, par l'emploi de la couleur et par sa technique picturale à transmettre les émotions.
D'ailleurs, je vous préviens tout de suite, sortez vos mouchoirs parce que l'histoire bouleverse. Rien de racoleur ou de larmoyant pourtant. Le ton, les dialogues sont beaux et justes. Le choix de personnages animaux permet la fantaisie et la distanciation nécessaire. Cependant, sous ses dehors doux, poétiques et parfois drôles, ce que vit cette enfant arrache le cœur d'autant plus que ce type de destinée marquée par l'abandon et la négligence, dommage collatéral d'un couple qui se brise, existe bel et bien. Mais l'histoire émeut surtout parce qu'elle conte une résilience. Elle est pleine d'espoir et d'encouragement. Elle fait prendre conscience à ceux qui vivent au sein d'une famille aimante et sécurisante de la chance qu'ils ont et rappelle à toutes les petites renardes comme Yeowoo qu'une seule personne peut changer la donne et qu'un avenir radieux est possible.
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