"Un monde sauvage"

Un monde sauvage, Xavier-Laurent Petit, 
éd. L'école des loisirs, coll. Médium, dès 14 ans.


Dès les premières pages, on entre dans un autre monde: celui du froid de la taïga russe. Et l'auteur nous le fait ressentir jusque dans nos tripes! Le froid nous engourdit les os, nous gèle les doigts et l'encre de nos stylos. Cet autre monde, c'est aussi celui de la bête, de son odeur, de sa puissance, c'est celui du petit village de Sobolonié et de ses habitants, un peu sauvages eux aussi, qui tentent de survivre aux températures glaciales et à l'isolement.
A Sobolonié, habitent Felitsa qui termine ses primaires, son jeune frère Pavka, un petit garçon autiste mais plein de talent et d'intuition, leur père chargé de nettoyer les routes avec son chasse-neige et leur mère, Alissa, garde-forestière, femme passionnée et bien déterminée, malgré qu'elle soit quasi seule pour assumer cette tâche, à protéger l'immense réserve naturelle qu'elle a sous sa responsabilité.
Alissa aime emmener sa fille à "l'école de la taïga", comme elle dit, et lui transmettre son savoir et son amour de la Nature. Or, cette fois-ci, quatre empruntes dans la neige, une carcasse gelée de daim et une forte odeur musquée révèlent la présence d'un tigre. Ou plutôt, pour l’œil expert de la garde-forestière, d'une tigresse pleine. La traque, à l'aide de pièges photographiques pour mieux connaître l'animal, commence. Quand la femelle met bas, l'enthousiasme grandit, ainsi que la peur... car dans le village, il y a aussi Kostia et son père Grigor, des braconniers. Bien qu'il n'y ait aucune preuve contre eux, tout le monde sait qu'ils rêvent d'abattre un grand fauve. Ils s'en vantent même! Il faut dire qu'une dépouille de tigre de Sibérie vaut des dizaines de milliers d'euros, en Chine, juste de l'autre côté de la frontière.
Ce que vit Felitsa, cet hiver et cet été-là, les derniers de sa vie d'enfant, nous les vivons avec elle. On s'attache à elle, on est touché par son frère, ému par l'histoire de Madame Sniejana, la professeure du village qui nous rappelle l'époque des camps staliniens, on tremble, on déteste, on attend, on espère, on se révolte, on a envie de frapper, de crier à l'injustice, on a peur et chaud au cœur: comme pour Itawapa, la magie opère à nouveau! Bravo l'auteur!